Aristide Bancé est attachant. Il est rigoureux avec lui-même. Conscient des exigences de sa profession, il essaie au mieux de ménager son corps. Il ne boit pas. Il ne fume pas. Et, contrairement à une idée reçue, il n’affectionne nullement les sorties en dehors du cercle familial sauf obligation professionnelle.

Conscient que la carrière de footballeur n’est pas éternelle, il sait qu’elle ne se prolonge qu’avec de l’exigence envers soi-même et une volonté inébranlable dans l’effort. Alors, il travaille, travaille et travaille.

Celui qui a su s’imposer par sa force et son amour du travail ne laisse personne indifférent. Unanimement reconnu comme un footballeur qui s’engage franchement, il ne peut être rangé dans la classe des « tricheurs ». On dit de lui qu’il « mouille le maillot » selon l’expression courante.

Au détour d’un rendez-vous, Aristide Bancé nous a rendu visite au siège de Telecel Faso, juste avant de s’envoler pour la Guinée. Entre son actualité et ses différents choix de carrière, Aristide Bancé se confie : son nouveau contrat en Guinée, les étalons, son avenir, son rôle d’ambassadeur à Telecel Faso et sa vision du football national.

Sans détour, celui qui a su entrer dans le cœur des Burkinabè parle… Et, il a des choses à dire. Interview.

Aristide Bancé, c’est plusieurs clubs à travers plusieurs pays dans le monde. Et, parfois des contrats qui ne durent qu’une saison. Ce qui fait de vous un véritable globe-trotter. Qu’est-ce qui fait courir Aristide Bancé ?

Je suis footballeur professionnel. J’en ai fait mon métier et je réponds présent partout où on a besoin de moi pourvu que les conditions soient remplies. J’ai une envie intacte et beaucoup de courage parce que j’aime le football ! J’aime mon travail. C’est mon métier et c’est ce qui me donne la motivation.

Vous venez de boucler un contrat au Burkina Faso avec l’USFA. Et à peine le championnat bouclé, on vous annonce du côté de la Guinée avec le Horoya. Pour les observateurs non avertis, on se demande s’il n’y a pas une sorte de régression dans la carrière d’Aristide Bancé qui, après la Côte d’Ivoire, s’est retrouvé en Egypte puis au Burkina Faso pour maintenant se signaler du côté de la Guinée ?

Il est vrai que les gens se posent des questions. Mais, je dois dire que c’est un choix. Quand j’ai décidé de signer à l’Asec d’Abidjan, c’était à un moment où le championnat venait de finir en Lettonie. Et on était en pleine préparation de la CAN. Il me fallait rester en compétition. Et, je crois que le choix de signer à l’Asec a été un choix positif. C’était un choix sportif et non financier. Je quittais un pays européen pour revenir jouer en Afrique. J’arrivais à l’Asec qui n’avait plus été champion depuis sept (07) ans. On finit la saison avec le titre de champion et à un niveau personnel, je finis meilleur buteur et meilleur joueur du championnat. Mission accomplie donc !

Après mon expérience en Égypte sur lequel beaucoup a été dit, j’ai saisi l’opportunité de revenir au pays. D’abord parce que c’est chez moi, mais aussi parce que je connaissais déjà le championnat ivoirien avec mon séjour à l’Asec. Je suis donc revenu au pays et j’ai signé à l’USFA. Une expérience qui m’a permis de revenir à mon meilleur niveau et de me voir offrir l’opportunité de partir en Guinée.

Qu’est-ce qui a amené Aristide Bancé à l’USFA  ?

En choisissant de revenir jouer au pays, j’avais plusieurs propositions. Mais, j’ai choisi l’armée à la fois pour soutenir les forces armées engagées dans la lutte contre le terrorisme et aussi pour son professionnalisme. C’était ma façon à moi d’aider les militaires avec le contexte sécuritaire du pays où les forces de défense et de sécurité sont partout sollicitées pour maintenir la quiétude dans le pays. J’ai donc voulu apporter ma contribution pour les soutenir même si financièrement ce n’était pas le meilleur choix pour moi. Je l’ai fait et ça s’est très bien passé.

De par le passé, on a pu vous reprocher de privilégier le financier au détriment du sportif dans vos choix de carrière notamment quand vous avez quitté le championnat allemand pour le Qatar. Etait-ce vraiment le cas ?

Quand je quittais Mayence pour aller à Al Alhy de Dubaï, j’avais plusieurs propositions. Mais au football, on fait des choix et il faut tenir compte de son âge. Quand de grands clubs te veulent et qu’on te libère avec une clause acceptable pour tes courtisans, ça peut se faire. Mais dans mon cas, il y avait certes plusieurs propositions de clubs allemands mais Mayence avait demandé une grosse somme d’argent pour valider le transfert. Les choses ont traîné et la fenêtre des transferts s’est refermée. Après, j’ai eu une belle proposition de Dubaï et je n’ai pas hésité. J’ai vu que je prenais de l’âge. J’ai mis la pression à mes dirigeants pour qu’on me libère.

Aristide Bancé est un footballeur particulièrement adulé du public burkinabè. Y a-t-il une raison particulière à cela ?

Les burkinabè n’aiment pas les tricheurs. Ils apprécient ceux qui se battent et qui mouillent le maillot. A mes débuts, j’étais loin d’être l’un des footballeurs préféré des burkinabè. Mais, j’ai voulu me battre et donner l’exemple par le travail.  C’est quelque chose que j’essaie d’appliquer partout où je passe. J’ai pu aussi marquer des buts décisifs dans des situations où les choses semblaient compliquées pour l’équipe nationale. Et ça, ce sont des choses qui marquent le public. Il sait que les choses ont beau être difficile mais si Bancé rentre en jeu, il va se battre. Car tout arrive par le travail et la force d’implication qu’on y met. Comme, on le dit «  on peut partir de zéro pour être un héros », il suffit simplement qu’on accepte de travailler et les sacrifices qui vont avec.

Vous avez vécu de grandes et belles histoires avec les Etalons du Burkina notamment une demi-finale et une finale de CAN. Mais, ce n’est pas une histoire qui s’est déroulée comme un long fleuve tranquille. Il vous est arrivé d’avoir des frictions avec le coach Paolo Duarté et même de refuser de venir à la CAN 2010 en Angola. Aristide Bancé, est-ce aussi ce footballeur caractériel ?

En 2010, j’ai refusé de venir jouer la CAN en Angola. Je venais d’arriver à Mayence dans une équipe de 1ère division allemande. Et tout se passait bien pour moi, je marquais beaucoup de buts. J’étais sur une bonne lancée.  Et l’équipe nationale a besoin de moi. Je dois normalement répondre présent et  je suis à le faire. Mais, les choix principaux de l’entraîneur en attaque sont connus. Je mène la réflexion en pesant le pour et le contre. Si je quitte Mayence pour venir à la CAN et que je ne suis pas titulaire, il y a de gros risques que je perde ma place de titulaire en club.

Je devais faire un choix et j’ai choisi de ne pas participer à la CAN. Je me suis dit que le temps viendrait où la sélection aurait besoin de moi et je pourrais venir sans être tiraillé par ces calculs. Et le temps m’a donné raison. Aujourd’hui avec le recul, je crois que c’était le meilleur choix. Je voudrais que les Burkinabè sachent qu’il y a beaucoup de joueurs qui ont sacrifié leur carrière pour l’équipe nationale. Et, Dieu sait qu’ils sont nombreux. Au nombre de ceux-là, je suis.

La réalité est que dans ton club, l’équipe nationale n’est pas une priorité. Il arrive que l’équipe nationale te convoque pour la CAN et que le club te dise que si tu vas à cette compétition, il achètera un autre attaquant. Tu te dis que tu n’as pas le choix, il faut répondre à l’appel du pays et tu t’en vas. C’est cette réalité qui fait que certains joueurs sont annoncés en équipe nationale et finalement ne viennent pas. Mais, comme le public n’est pas dans les secrets et n’a pas toutes les informations, il en veut aux joueurs. J’ai été dans ce cas, mais par la grâce de Dieu, j’ai pu me rattraper avec les CAN 2013 en Afrique du Sud et 2017 en Guinée Équatoriale  2017 ainsi que pendant les éliminatoires.

Voila une CAN qui se déroule en Égypte sans les Étalons. Aristide Bancé a la trentaine bien sonnée. Est-ce qu’on peut penser que votre histoire avec les Étalons est à son terme ?

J’observe ; je regarde comme on le dit couramment. Certes, on ne s’est pas qualifié. Mais, le plus important, c’est d’en tirer les leçons. Il faut connaître le football. Je suis donc dans l’attente. Mon âge ne me pose pas de souci. Je viens de signer en Guinée. Je vais aller me mettre à la disposition de mon club, m’impliquer dans le championnat et la Champions League. Je vais observer l’évolution des choses et prendre une décision.

Au niveau des instances de la fédération, on parle de rajeunir les effectifs des Étalons. Est-ce que c’est une perspective qui fait peur à Aristide Bancé ?

(Rire…) A un niveau personnel, ça ne me fait pas peur. Ce n’est pas possible. L’équipe nationale, c’est la forme du moment. Quelque soit l’âge, c’est la forme du moment. Quand un joueur est âgé et qu’il ne répond plus sur le terrain, on peut aisément penser à tourner la page de ce joueur. Ce raisonnent doit être aussi valable pour les jeunes. Tant qu’un joueur est en forme, on doit l’appeler en sélection. En disant cela, je ne dis pas qu’on doit forcément appeler Aristide Bancé en sélection. Si, je ne suis pas en forme, je ne dois pas être en sélection. On parle de rajeunir la sélection. Certes ! Mais, rajeunir la sélection comment ? Il me semble qu’il faut donner la chance progressivement aux jeunes d’intégrer la sélection. On ne peut pas tout balayer du revers de la main et vouloir créer une nouvelle sélection à partir de rien. Comme, si rien n’existait et que tout est bon à jeter.

D’ailleurs, on a pu le constater avec le match que les Étalons ont perdu en Mauritanie. Je ne dis pas que si j’étais là, on aurait gagné mais je constate qu’à ce match là, il n’y avait ni Bancé, ni Pitroipa, ni Nacoulma, ni Alain… Et on sait ce qui s’est passé finalement. Je crois personnellement que les jeunes vont progressivement s’installer en équipe nationale mais il ne faut pas leur mettre la pression. Il y a des personnes qui ne comprennent pas grand-chose au football et qui mettent une pression inutile aux jeunes si bien qu’au bout de 2 ou 3 ans, ils sont au bout du rouleau. Il faut encourager les jeunes à travailler.

Les gens s’imaginent que footballeur, c’est un métier facile, qu’intégrer l’équipe nationale, c’est une sinécure. Mais, ce n’est pas vrai ! Jouer dans un stade devant des milliers de spectateurs, ça demande une certaine force de caractère. Si vous êtes remplaçant et qu’on vous demande d’entrer sur le terrain, c’est très difficile. Il faut donner la chance aux jeunes d’intégrer l’équipe tout doucement. Je pense qu’on a encore des cadres qui peuvent continuer en équipe nationale et que le renouvellement doit se faire progressivement.

Aristide Bancé, ambassadeur Telecel. Qu’est-ce qui vous a motivé à vous engager au côté de Telecel Faso ?

Pour moi, dès qu’on dit Telecel Faso, on parle du Burkina Faso.  C’est une sorte d’emblème du pays dans le secteur de la téléphonie mobile. Et ça été une motivation singulière pour que je m’engage avec Telecel Faso. Quand, j’ai été approché pour devenir ambassadeur de la marque, j’avais eu d’autres propositions. Je l’ai même dit à ceux qui sont venus me voir. Mais, comme Telecel Faso rime avec Burkina Faso, je suis partant pour devenir ambassadeur de la marque. Et, c’est une fierté pour moi de représenter la marque tout comme je suis fier d’être burkinabè.

Comment entendez-vous vous investir dans votre rôle d’ambassadeur ?

En tant qu’ambassadeur, je suis à la disposition de Telecel Faso. Je m’associerai à toutes actions qui peuvent permettre son rayonnement au plan national et international. Aujourd’hui même sur mes initiatives propres, je recherche toujours l’avis de Telecel Faso afin que mes actions soient en adéquation avec les intérêts de la marque Telecel Faso. Dans ce cadre, les actions de la « Fondation Aristide Bancé » qui apporte sa modeste contribution au niveau social afin d’améliorer le quotidien des populations vulnérables bénéficient du soutien de Telecel Faso. Dans les mois à venir, les actions de la fondation vont se densifier au Burkina Faso où nous sommes un peu freinés par quelques soucis au niveau administratif. Si bien qu’on a l’impression que nous sommes plus actifs en Côte d’Ivoire et notamment à Abidjan. Mais, les questions administratives sont entrain de se résorber tranquillement et nous allons bientôt augmenter nos activités au niveau national.

Vous avez remis un maillot floqué de votre numéro et de votre nom au Président du Conseil d’Administration de Telecel Faso. Comment doit-on interpréter ce geste ?

J’ai tenu à rendre une visite de courtoisie au Président du Conseil d’Administration pour à la fois lui témoigner ma reconnaissance pour le choix porté sur ma personne comme ambassadeur par Telecel Faso mais aussi et surtout pour bénéficier de ses sages conseils. Le maillot est juste un cadeau que j’ai voulu apporter dans le cadre de cette visite. Il est certes modeste. Mais, il est remis avec beaucoup d’amour. Et, je suis très content d’être là.

En choisissant d’aller en Guinée alors que vous avez la trentaine révolue, peut-on penser que c’est le crépuscule de la carrière d’Aristide Bancé, c’est son dernier contrat en tant que footballeur professionnel ?

Ça dépendra. En Guinée, J’ai un contrat de deux ans. Je vais jouer. Dans le football, on ne peut pas présager de ce qui va arriver. Je vais aller honorer mon contrat et continuer de travailler. Je m’entraîne tous les jours. Quand, on prend de l’âge, il faut être beaucoup plus professionnel. Certes, j’ai 34 ans mais j’ai fait la preuve récemment dans le championnat national que quand j’ai le ballon, malgré mon âge, les jeunes défenseurs de 24 ans ne peuvent pas courir avec moi. Donc, il faut s’arranger pour garder la forme.

En Guinée, en plus de mon contrat, j’ai d’autres projets avec le président du club de Horoya. Et, si tout se passe bien, j’ai bien envie de continuer là bas. Quand j’ai été contacté par le président pour intégrer le Horoya de Guinée, on a établi un projet sportif derrière le contrat. Et moi à la fin de ma carrière, j’aimerais bien rester dans le football, passer des diplômes. Je ne prévois pas quitter la Guinée et aller ailleurs. Mais, on ne sait jamais.

On dit de vous que vous êtes très sociable n’hésitant pas à contribuer pour soulager les populations et donner un coup de main quand vous êtes sollicité ou que vous apprenez les difficultés que les gens rencontrent. Quelle est la réalité ?

Est-ce que ça vaut la peine d’en parler ? A mon niveau, je préfère agir dans la discrétion. On est tous conscient des difficultés que les gens rencontrent. Ce n’est facile pour personne. Il se trouve des personnes malades, d’autres qui n’ont pas à manger… Dans la mesure de mes possibilités, j’essaie d’apporter une modeste contribution pour les soulager et leur redonner le sourire. Mais, je préfère que ça reste dans l’ombre. Il fut un temps où quand on posait des actes dans le domaine social et que c’était rendu public, certains l’interprétaient mal. Alors, je préfère agir tout discrètement. Mais, si Telecel Faso veut m’associer à des actions sociales d’envergure. En qualité d’ambassadeur, je suis tout disposé.

Avez-vous un regret particulier dans votre carrière notamment celui de ne pas avoir joué en France qui, par exemple, est une excellente vitrine d’exposition pour les footballeurs francophones ?

Ce sont des choix qu’on assume. Et, ça c’est la carrière d’Aristide Bancé. Dans la vie, ce qui est tracé est tracé. Sinon, je pense que la saison que j’ai réalisée à Mayence c’eût été en France, peut-être qu’aujourd’hui je serai dans un plus grand club. Pour la simple raison que le championnat français parle. Le championnat allemand est certes un championnat connu mais il est beaucoup plus discret. Aujourd’hui très peu de gens savent ce que j’ai fait en Allemand. J’en ai eu l’expérience avec un journaliste qui s’était fourvoyé sur le nombre de buts que j’avais inscrit en Allemagne quand on lui a posé la question. Pour lui, Aristide Bancé a marqué 2 ou 3 buts. Pourtant la réalité est que j’ai inscrit 14 buts lors de ma première saison avec Mayence et 10 buts lors de la deuxième année soit un total de 24 buts sur 2 saisons. Ce qui fait de moi un des meilleurs buteurs burkinabè dans un championnat européen connu. Mais, très peu de gens le savent du fait de la très faible médiatisation du championnat allemand chez nous comparé au championnat français par exemple. Pour revenir à la question en elle-même, je n’ai franchement aucun regret. Je suis fier de mes choix et de mon parcours.

Propos recueillis par Souleymane Soudré, Ibrahim Konkobo et Abdramane Gansoré.